Prêtes à foutre le feu une nouvelle fois, ou bien les Roses sont elles en plein bourgeonnement?
Axl Rose prépare le premier disque de matériel original des Guns en 11 ans. Devons-nous encore nous en préoccuper?
(Par Nick Marino, critique musical du Times-Union)
Imaginez que la musique populaire soit une société gigantesque.
Avant que le Vice Président du Hard Rock ne quitte la société, il désigne en général un successeur, un jeune cadre intelligent avec un potentiel énorme qui peut incarner la philosophie de la compagnie et rendre heureux les actionnaires.
Mr Led Zeppelin passe la main à Mr Aerosmith qui passe la main à Mr Kiss et ainsi de suite.
Ces échanges de pouvoir assurent que l'héritage du décideur original survive et s'étende par l'intermédiaire du nouvel exécutif. Et, hormis les présidents à vie que sont les Rolling Stones, les échanges donnent aux chefs plus agés qui sont sur la mauvaise pente au niveau artistique une porte de sortie discrète et très utile.
De 1987 à 1991, Guns N'Roses a occupé la tête de l'exécutif. Leur règne a commencé avec l'intro hurlante de Welcome To The Jungle et s'est terminé après les notes finales de November Rain, une période de quatre ans pendant laquelle les Guns étaient de façon inhabituelle menacés dans leur position au top.
Ils étaient les Led Zep, Aerosmith et Kiss de leur génération, un groupe de rock gonflé à bloc qui attirait toutes les générations confondues et avec un potentiel de vente illimité.
Kiss a fini par céder le pouvoir aux tout aussi flamboyants (et sans doute plus talentueux) Van Halen. Et Van Halen a passé la main à Guns N' Roses.
Mais le vieux bureau des Guns est resté vide depuis qu'ils sont partis en claquant la porte il y a dix ans. Quelques artistes ont essayé de passer la tête à travers l'ouverture de la porte, mais aucun n'a eu le culot de s'asseoir dans le grand fauteuil.
GN'R reste le dernier grand groupe Américain qui voulait à la fois le boulot et était qualifié pour le conserver.
Eddie Vedder avait le C.V qu'il fallait, mais il ne s'est jamais soucié d'être un maillon du système corporatif, c'est pourquoi Pearl Jam, son groupe d'héros ne voulant pas en être, a passé sa carrière à se battre contre Ticketmaster, les bootleggers et le reste des méchants du music-business.
Et Kurt Cobain, comme vous vous en souvenez surement, voulait tellement ne pas devenir un pion au service de la corporation qu'il s'est mis une balle dans la tête quand le conseil des directeurs de la musique ont essayé de le pousser derrière le bureau en acajou.
Axl Rose voulait le poste, et il avait tout ce qu'il fallait pour briller. Ce hurlement de banshee, cette grande ambition, ce commandement des masses -- ces dons à eux seuls auraient fait de lui une star.
Mais ce qui a fait de lui une légende était le groupe de musiciens qui lui ont fourni le panneau de controle. Guns N'Roses était un groupe sans merci (une équipe de management impitoyable, si l'on veut continuer la métaphore avec le business) dont tous les membres étaient à l'origine des quelques meilleures mélodies de ces 25 dernières années.
Le riff principal de Slash dans Sweet Child O'Mine est toujours reconnaissable en moins de deux secondes. Le rythme de batterie de Matt Sorum sur You Could Be Mine en a fait une des chansons les plus explosives depuis Jungle. Même le sous-estimé claviériste Dizzy Reed y a contribué, en prêtant cette mélodie au piano à la chanson très méconnue Bad Obession qui swingue comme Billy Powell à son top pendant les périodes les plus bluesy de Lynyrd Skynyrd.
Guns N'Roses a joué du pop-metal basé sur du blues, une étiquette qui n'a collé à personne depuis puisque personne n'a essayé de la faire marcher. Le groupe est devenu énorme précisément à cause de ce son unique, universel.
En mélangeant avec habilité le blues, la pop et le metal, ils ont réussi à ne pas trop s'éloigner des adultes qui ont grandi en écoutant Hendrix ou des gosses de lycée qui se défoulaient sur Metallica ou même des plus jeunes, accrocs de MTV, qui aimaient tout aussi bien, disons, New Kids On The Block.
Sur la tangente et faciles à chanter, prêts pour la rue et la radio, les Guns était le dernier grand groupe à attirer les masses. Linkin Park vend peut être 8 millions de disques aujourd'hui, mais pas à quelqu'un qui n'est plus à la fac.
Normalement, lors de l'échange de pouvoir du grand rock, on est en droit d'espérer qu'un groupe à la retraite comme les Guns gardent leur place intacte dans l'histoire du rock, sans album "comeback", tournée "comeback" ou quoique ce soit de pas très cuit (ou comme dirait Ben Braddock: "complètement cuit") pour retrouver leur gloire.
L'abstinence semble être la meilleure idée pour un groupe qui a été inactif pendant plusieurs années. Après tout, une fois qu'un nouveau venu a pris votre place, il est généralement déconseillé de passer par le bureau un jour, un attaché case à la main, en s'attendant à ce que les gens paient 300$ pour vous voir à terre dans votre ancien bureau.
Mais parce que les accomplissements du groupe ont été si intouchables pendant tellement longtemps, et aussi car aucun autre groupe n'a les compétences requises pour prendre leur bureau, nous nous devons bien d'être excités à propos de la nouvelle formation de Guns N'Roses et du disque tant attendu qu'ils pourraient révéler plus tard cette année.